VAPORETTO UNDICI

LETARGO

Toujours on arrive par la voie royale, les raffineries de Marghera, la «Via Della Liberta», ce mince trait de terre ferme qui tient Venise hors de l’eau à bout de bras.
Toujours on se retrouve emprisonné dans le dédale, bras ballants, au coeur de la cité radieuse tragique et burlesque, hantée par les gondoles macabres.
Mais j’ai voulu arriver de travers, prendre Venise à revers, et il y avait le Sud, la remontée du fin cor-don littoral par les eaux glauques de la lagune. S’éloigner de Sottomarina par le vaporetto numéro 11, aborder Pellestrine engourdie dans le «letargo» d’hiver, avant Mallamoco, le Lido. Le regard aspi-ré par l’ile hantée de Poveglia cernée par les eaux plates presque mortes, alors que de l’autre coté, sur l’Adriatique, une autre saison. Un ciel constamment colérique, flots furieux sous des orages amassés, et, entre les palmiers, au bout des allées de pins, l’Hôtel des Bains, abandonné.
Puissamment inspirée par le film «Mort à Venise», j’ai tourné autour de Venise, je me suis approchée, sans jamais y entrer.
Comme si la peste encore y était.
Par Nicolas Joriot