J'aime quand le voyage rude ne m'amène jamais dans ces paysages idéaux fait de sable et de cocotiers assassins. Je pars pour un voyage, souvent transformé en errance, une somme formidable de temps consumé en attente, en rêverie, en transports hasardeux partant en retard et déambulant dans des paysages sinistres avec l’apparence d'être exempté d’horaire et d’itinéraire. j’aime dériver avec mon appareil argentique, voyant parfois passer, l‘air médusé, émue, une image puissante et pointue sans arriver à la capturer.
Chaque image porte son histoire, un agglomérat de peurs, de fatigues, de rencontres heureuses, un total éblouissant de vagues intuitions ou de décisions prises à l’emporte pièce qui vous placent au bon moment sur une plage iranienne devant une pierre, sorte de tombeau vertical tentant de barrer la route à un bateau presque mort. La veille, vers deux heures du matin, un tremblement de terre avait secoué virilement notre hôtel. Depuis le quatrième étage, sentant que la vie se dérobait, nous avions sauté dans l’escalier en grossissant le tourbillon humain, un mélange de corps paniqués, de hurlements terrifiants, comme aspirés par le fond sombre de l’immeuble vacillant. bercés par les pleurs et les reniflements nous avions tous attendu dehors que le jour se lève. Mais le ciel gris sinistre avait commencé a s'effilocher et sous une lumière tendre, pour tromper la peur, nous avions trouvé une barque pour gagner l’île d’Ormoz à quelques encablures. La mer, comme échaudée par cette terre remuante, avait reculé d’une centaine de mètres.
Et j’avais sorti l’appareil.


Ile d'Ormoz, Iran